Longue résidence d’été au Lobe : Jean-Jules

Résidence / 1er juillet au 30 août 2019

Exposition / 30 août au 20 septembre 2019

Commissaire en résidence / Emmanuel Galland

Proposition: On se calme le pompon!

« Jean-Jules », quel repère incroyable ! Il faut avoir l’esprit en verve, la langue bien musclée, le sang froid mais le cœur chaud, qui bouillonne, pour oser ton univers. Il s’exprime, à travers ton œuvre, une parlure qui m’inspire, une pensure qui m’aspire, une joyeuse démesure, quelque chose qui dénonce avec bienveillance l’absurdité d’un certain (réel). Pour moi Jean-Jules c’est l’engagement total – pas juste social – une lucidité qui éclaire les enjeux actuels avec les nuances qu’ils supposent, dans une esthétique aussi sobre que savoureuse. Travailler avec ta démarche comme repère; me servir de ton audace comme tremplin, quel défi stimulant; j’existe au monde par le langage, et c’est avec lui dont j’aime me jouer du (réel). Le langage, territoire de luttes / jeu / digressions infinies. Jean-Jules, comme un propulseur d’idées. Embarque, on n’ira pas vite.

Tu as sûrement entendu la rumeur : deux milliardaires capital-risque américains s’en viennent jouer dans le fjord. Ils s’appellent James F. Illitch et Jim Breyer (c’est important de les nommer). Parmi leurs idées farfelues, la construction d’un terminal méthanier au bout d’un gazoduc de 750 km de longueur, quatorze milliards de dollars pour quelques jobs, des bateaux longs comme douze baleines bleues. Ces projets-là s’ajoutent aux mines, Métaux Black Rock qui promet des émissions de GES à faire cracher noir nos enfants, ou encore Arianne Phosphate, qui veut faire exploser la montagne pour installer un (autre) port. Je suis tannée qu’on vende nos paysages pour quelques jobs de fond de cale. Ces projets-là m’inquiètent; ils cultivent l’opposition entre nature et culture, ils divisent l’opinion publique – qui peut reprocher à son voisin de vouloir gagner son pain et son beurre? Ces projets-là, ces petits despotes-là, ils dénaturent tout: le paysage comme le tissus social. Ils vont à l’envers du sens du monde et puis ils flottent au-dessus, intouchables, ignares de nos efforts de cohésion sociale et des générations qui ont bâti avant nous. Notre force de production contre la destruction de la nature. Ça ne fait pas, Jean-Jules. La plupart des scientifiques sont d’accord: l’effondrement est bien entamé.

Je suis allée au bout du quai, pour réfléchir face au fjord. Le brise-glace est passé, c’est le printemps qui s’en vient. J’ai eu une pensée pour les personnes au fond de la cale. J’ai eu un frisson, puis une pensée pour ma mère qui tricote nos bas de laine. Pour toutes nos mères, qui ont tricoté nos familles. J’ai eu envie de me lever et de crier dans le vent : HEILLE (tabarnak), ON SE CALME LE POMPON!